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LA LISTE DE LA MATINALE
Le mois de septembre et sa rentrée littéraire sont riches de découvertes graphiques. Pour vous y retrouver, les chroniqueurs du Monde ont sélectionné quatorze albums, entre récit choral aux accents féministes, plongées dans l’enfance et témoignage de résilience.
Une voix de rossignol peut-elle éviter de passer à la casserole d’Indiens anthropophages ? Brésil, baie de Guanabara, au milieu du XVIe siècle : parce qu’il pousse la chansonnette divinement, Nicolas, un jeune catholique français envoyé en mission pour apprendre la langue des Tupinambas, échappe au destin de gueuleton que lui réserve une tribu amazonienne l’ayant fait prisonnier. Mieux, ses geôliers l’intègrent à leur société sans vêtement, lui offrant femme et couvert.
Son assimilation n’est toutefois pas du goût de son supérieur, l’amiral Durand de Villegagnon (1510-1571), fondateur sur un îlot voisin d’une éphémère colonie appelée « la France antarctique » (épisode authentique qui inspira à Jean-Christophe Rufin son roman Rouge Brésil, prix Goncourt 2001). Emprisonné par la couronne, puis libéré par ses amis amérindiens, Nicolas accompagnera ces derniers sur le chemin de la « Terre sans mal », paradis fantasmé où la guerre a droit de cité.
Qui est le barbare, qui est le sauvage ?, interroge David B. dans ce conte anthropologique écrit du côté des autochtones, mêlant bouffées de violence et envolées poétiques. Au choc civilisationnel s’ajoute bientôt une autre collision, entre catholiques et protestants des « antipodes », en prélude aux guerres de religion. Réflexion sans jugement sur l’acceptation de l’autre, le récit est porté par le dessin d’Eric Lambé, inspiré par les gravures d’époque idéalisant les voyages vers le Nouveau Monde. F. P.
D’Eric Lambé et David B., Casterman, 112 p., 22 €.
Trois femmes et un bouc aux pouvoirs occultes. Voilà le curieux attelage qui débarque sur les quais du port de Buenos Aires en 1768 et constitue le cœur de l’intrigue de Walicho, le nouvel album de Sole Otero. Du XVIIIe siècle à nos jours – sans jamais sembler vieillir –, ce quatuor singulier nourrit un récit choral aux accents féministes. Neuf histoires, narrées du point de vue des personnages qui croisent leur chemin : un trentenaire qui s’interroge sur sa virilité ; une jeune femme atteinte d’agoraphobie cloîtrée derrière ses écrans ; une mère qui cache son enfant juste né à ses patronnes…
Après son précédent album en partie autobiographique (Naphtaline, Çà et là, 2022) salué par la critique, l’autrice argentine s’attaque au fantastique avec succès. Son dessin rond mêle couleurs froides et criardes pour saisir la part d’ombre et de lumière de ces sorcières, femmes indépendantes, insoumises, guérisseuses averties ou maléfiques. Résultat : un enchevêtrement envoûtant. A. Gu.
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